Quelques empreintes de ma femme et de mes enfants...enfin de leur réplique en bois et de profil, réalisée à partir de leur ombre. Les originaux ont bien mûri depuis (moi aussi)...mais j'aime bien cette utilisation de la peinture qui joue de son rapport mythique à la projection ombrée.
Relisons ce qu'en disait Pline:
"En voilà assez et plus qu’il n’en faut sur la peinture. Il serait convenable d’y rattacher ce qui concerne le modelage. En travaillant lui aussi la terre, le potier Butadès de Sicyone inventa le premier l’art de modeler des portraits en argile ; cela se passait à Corinthe et ce fut grâce à sa fille, qui était amoureuse d’un jeune homme ; celui-ci partant pour l’étranger, elle entoura avec des lignes l’ombre de son visage projetée sur un mur par la lumière d’une lanterne ; sur ces lignes son père appliqua de l’argile et fit un relief ; et l’ayant fait sécher, il le mit à durcir au feu avec le reste de ses poteries. Cette œuvre, dit-on, fut conservée au sanctuaire des Nymphes jusqu’à l’époque du pillage de Corinthe par Mummius."
Puis plus loin: "La question de l’origine de la peinture est incertaine et ne relève pas du plan de cet ouvrage. Les Égyptiens déclarent qu’elle fut inventée chez eux, il y a six mille ans, avant de passer en Grèce, ce qui est de toute évidence une vaine prétention. Quant aux Grecs, certains disent qu’elle fut inventée à Sicyone, d’autres à Corinthe, mais tous s’accordent à dire que c’est en entourant avec des lignes l’ombre d’un homme ; ce fut par conséquent la première étape, mais la seconde, lorsqu’une méthode plus élaborée eut été inventée, procédait avec des couleurs uniques, [technique] appelée monochrome, encore en usage actuellement."
Comme l'écrit Françoise Frontisi-Ducroux dans un excellent article "‘La fille de Dibutade', ou l'inventrice inventée" paru dans les Cahiers du Genre 2007/2 (n° 43):
"on y entrevoit la façon dont les Anciens pensaient la naissance et le développement des différents arts : il s’agit toujours de trouver et de nommer « celui qui le premier… ». Nous avons affaire à des mythes d’invention...
Le point commun à ces deux passages, à ces deux mythes, c’est que l’ombre portée, entourée d’un trait, est considérée comme l’origine d’une représentation figurée."
Et encore: "La tradition antique minimise le geste premier de la circumscriptio, en focalisant sur les étapes suivantes : seule l’œuvre achevée, sortant des mains masculines, mérite le nom d’image et vaut à son auteur le titre d’inventeur."
No comment...